La navigation de plaisance, et en particulier les yachts battant pavillon étranger, sont soumis à un important contrôle fiscal de la part des autorités espagnoles. Dans cet article, nous découvrirons les principales mesures d'investigations prises par la « Agencia Tributaria española (AEAT)», la procédure mise en œuvre et enfin les moyens de défense du contribuable.

L'impérieuse nécessité pour tous les Etats en situation de crise de trouver de nouvelles ressources financières, a contraint les agences gestionnaires des impôts (l'AEAT en Espagne), à non seulement mettre au point leurs recherches en matière de fraude et d'évasion fiscales, mais aussi à enquêter sur ces possibles irrégularités.

La navigation de plaisance a toujours fait l'objet d'un examen scrupuleux de la part de l'Agence tributaire Espagnole, conformément aux instructions fournies chaque année par le Gouvernement.
Initialement, ces mesures qui étaient destinées au plaisancier espagnol, avaient pour objet de détecter certaines fraudes et irrégularités dans le paiement de l'impôt Spécial sur des Moyens de Transport Déterminés (surtout dans le domaine de la location de bateaux) y dans la fixation du prix de vente des embarcations soumise en Espagne à la TVA ou ITP.

Aujourd´hui elles se focalisent sur la situation fiscale des navires battant pavillon étranger qui naviguent ou qui sont amarrés dans des ports espagnols.

L'objet de ce contrôle est de déterminer si le navire étranger se trouve en situation régulière quant au paiement de la TVA et de l'Impôt Spécial sur des Moyens de Transport Déterminés.

Il convient de rappeler que lorsque l'usager du navire est résident de l'Union Européenne et qu'il navigue dans ces eaux, indépendamment du fait que le yacht soit destiné à un usage privé ou commercial, la TVA doit être payée (et déduite si cela est possible). Dans les autres cas, le plaisancier peut profiter du régime d'importation temporaire.
En ce qui concerne l'impôt spécial sur des moyens de transports déterminés, l'usager y sera assujetti dès lors que le navire est utilisé par un résident ou qu'il est destiné à une activité commerciale développée en Espagne.

Ces contrôles sont mis en œuvre à l'encontre des plaisanciers par l'Inspection des impôts, les patrouilles de l'AEAT et la Guardia Civil qui pourront notamment:

1. Arrêter et contrôler les papiers du bateau, que celui-ci soit amarré dans un port ou en train de naviguer, et demander aux personnes à bord de s'identifier.

2. Enjoindre aux ports de plaisance de les renseigner sur les embarcations étrangères présentes en leur précisant la durée du séjour et l'identité de leur utilisateur/propriétaire (sur ce point il est nécessaire de rappeler que le régime d'importation temporaire ne peut se prolonger au-delà de 18 mois sans scellé).

Une fois cette démarche accomplie, l'autorité qui aura ordonné une telle mesure, dressera un procès verbal dans lequel il pourra être fait constat de certaines irrégularités. Parmi ces irrégularités, il peut être relevé :

1) La présence de résidents en Espagne, en tant qu'usager du yacht.
2) La possible résidence ou possession de locales du titulaire du yacht, quand il s'agit d'un étranger.
3) Le séjour du navire pour une période dépassant celle qui est autorisée par le régime d'importation temporaire.
4) La réalisation, relativement au navire, d'une activité commerciale en Espagne.

Quand l'irrégularité relevée est flagrante, il peut y avoir des cas pour lesquels la patrouille ordonne l'immobilisation du yacht contrôlé, jusqu'à ce que la situation soit régularisée.

Dans toutes ces hypothèses, le procès verbal dressé par la patrouille des douanes ou la Guardia Civil, est remis aux organes de l'AEAT, lesquels qualifieront les faits et recouperont les informations obtenues sur les personnes identifiées et sur le propriétaire du yacht par rapport à leur base de données. C'est à ce moment que débute la véritable procédure du contrôle fiscal.

Procédure du contrôle fiscal :

La première étape sera de faire citer le présumé coupable de cette violation pour qu'il présente certains documents supplémentaires ou qu'il s'explique sur certains points.

S'il a le droit de ne pas s'auto-incriminer en déclarant contre lui-même, il a toutefois l'obligation de collaborer avec l'AEAT. Le manque de collaboration peut conduire à une sanction plus importante dans l'hypothèse où une irrégularité viendrait à être relevée.
Il important de noter que lorsque la personne inspectée est étrangère, les difficultés de langue et la méconnaissance de la législation espagnole peuvent déboucher sur certaines incompréhensions qui ne seront pas sans conséquences fiscales.... Il est donc fortement conseillé de faire appel à un conseiller fiscal expert.

Le contenu des actes dressés par l'inspecteur ou la Guardia civil ainsi que les diligences effectuées constitueront des preuves. Toute modification nécessitera une preuve contraire.

Si de la documentation ou des déclarations, il ressort une absence d'irrégularité, le dossier sera archivé ; dans le cas contraire, la procédure de vérification suivra son cours. Celle-ci peut durer 12 mois maximum. Si elle excède cette durée, l'AEAT devra la déclarer caduque.

Pendant ce processus, à la requête de l'autorité compétente, le présumé coupable de cette violation devra comparaître et présenter la documentation requise. Evidement, l'autorité compétente pourra également demander d'autres informations qu'elle considère comme étant nécessaires, à de tierces personnes ou à des entreprises.

La procédure culmine avec le dressement d'un acte, qui peut être avec ou non accompagné d'une injonction de payer, selon qu'il ait été détecté ou non une dette tributaire.

Si une dette est relevée, normalement une procédure sanctionnatrice sera mise en œuvre parallèlement. La loi prévoit que la sanction minimum sera de 5O% de la liquidation. Ce qui signifie que pour un navire d'une valeur de 300.000 euros, en liquidant l'impôt Spécial sur des Moyens de Transport Déterminés qui sera de 36.000 euros, la sanction minimum s'élèvera à 18.000 euros.

Cet acte peut être prit « en accord », ou être dit « de conformité » ou de « non-conformité ». L'acte dressé sera prit en accord lorsqu'un accord a été trouvé avec l'AEAT. Il permettra une réduction de la sanction imposée. L'acte sera dit de conformité lorsque, sans qu'il y'ait eu d'accord préalable, l'imposé reconnait les faits qui lui sont reprochés et accepte cet ordre de paiement. Enfin il sera dit de non-conformité, lorsqu'il ne reconnaitra pas la véracité des faits et refusera de payer.

Arrivée à ce stade, la procédure menée par l'administration des douanes prend fin.
Il sera possible de faire appel de cette liquidation et de la sanction prononcée devants les tribunaux économique-administratifs (TEAR). Ces tribunaux sont des organes non juridictionnels (qui ne dépendent pas du pouvoir judiciaire) mais qui sont indépendants de l'administration y qui ont l'habitude d'utiliser des critères plus raisonnables que cette dernière.
Enfin, il peut être fait appel de la décision rendue par les TEAR devant les Tribunaux de justice de l'ordre du contentieux administratif.

Les organes juridictionnels finissent par épurer l'ordre juridique et ils sont appelés à interpréter les lois, en appliquant les principes généraux du droit et de la jurisprudence.

En fin de compte, ils permettent de freiner l'élan parfois un peu trop confiscatoire de l'administration, en interprétant la véritable volonté du législateur qui seul, décide, si une activité doit être ou non grevée d'un impôt. Ainsi par exemple, c'est le législateur qui a décidé qu'un résident en Espagne, pour naviguer un jour de sa vie sur un navire appartenant à un ami étranger, devra payer l'impôt spécial sur des Moyens de Transport Déterminé. Ou qu'un étranger, pour avoir une résidence d'été en Espagne, sera aussi tenu de payer cette taxe.

Dans tous les cas, nous devons nous rappeler que l'Espagne est un Etat de Droit et l'Administration doit agir conformément à cela. L'application d'une loi doit se fonder sur des faits prouvés. Il faut rajouter que la charge de la preuve incombe à l'Administration.

L'imposé fiscal a le droit de se défendre et devant la complexité du sujet, il est important qu'il puisse dès l'ouverture d'une telle procédure, recevoir des conseils légaux opportuns.
Ne connaissant pas la législation et parfois la langue, n'importe quelle déclaration pourra lui porter préjudice, déjà que, comme nous le disions, tout ce que constatera l'inspecteur dans son procès verbal aura une valeur probatoire qui pourra être utilisée pour la liquidation.

Note de l'auteur : cet article, fondé en droit, réalise une étude générale du thème abordé. L'auteur décline toutes responsabilités pour les conséquences que l'usage de ces informations pourrait avoir si elles venaient à trouver application à des cas réels, recommandant dans cette hypothèse de se mettre en rapport avec lui ou ses assesseurs.

Yamandú R. Caorsi
Avocat spécialisé dans la navigation de plaisance



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